vendredi 29 août 2008

Ultra Trail du Mont-Blanc 2008

Jeudi 10 janvier 2008 à 21h10 (heure de Paris) les inscriptions pour l’UTMB 2008 sont closes moins de 10mn après l'ouverture. Malgré les nouvelles mesures mises en place par l'organisation il fallait être devant son PC à la bonne heure et avoir un peu de chance pour décrocher le sésame. L'engouement pour cette épreuve est incroyable. Une nouvelle procédure d'inscription est déjà en place pour 2009.

Ce sera ma 3ème participation. Arrêt à Courmayeur en 2006 et finisher en 40h57 en 2007. Il fallait donc que je me présente une 3ème fois pour éventuellement prendre l'avantage.

Ma préparation a été sensiblement identique avec un peu moins de courses mais du plus long. Et comme en juillet 2007 du dénivelé pendant mes vacances en Corse.
The North Face Ultra Trail du Mont Blanc (c'est le nom officiel) est devenu en seulement 5 ans une course mythique. Il faut dire qu'elle a tout pour elle. Bien sur certains esprits chagrins trouvent qu'elle est devenue "too much" mais je ne peux que conseiller d'y participer et si possible de la finir pour l'apprécier pleinement. Faire le tour du plus haut massif d'Europe en 166km, 9400m de D+ et donc autant de D- en passant pas 3 pays le tout dans un temps maxi de 46h n'est pas si simple. L’organisation est impeccable, le balisage ne laisse aucun doute et les 1300 bénévoles sont aux petits soins avec nous. Evidemment il faut être préparé physiquement mais aussi psychologiquement car la route est longue et pas uniquement pendant la course. En effet il faut pouvoir s’y inscrire (des références sont demandées) 8 mois à l’avance. Il faut ensuite que la préparation se passe sans encombre pour arriver le jour J au top de sa forme. Et 8 mois c’est long. Pendant la course tout doit être au point, le matériel testé et adapté à la situation (on évolue en haute montagne), l’alimentation éprouvée pour tenir environ 40h et le moral au top car le stress d’avant course et les coups de mou seront présents. Mais que d’émotion lorsqu’on passe la ligne d’arrivée à Chamonix.
Le parcours de l'UTMB a pris son augmentation annuelle et nous propose cette année 166km pour 9400m de D+. La longue descente sur St Gervais au début du parcours a été revue mais la nouveauté majeure de cette édition est le final. Au col des Montets, au lieu de se laisser glisser tranquillement en fond de vallée vers Chamonix nous aurons une dernière montée de 700m de D+ vers La Flégère suivi d'une descente de 1000m D- pour fondre sur Chamonix. Ce final, magnifique s'il fait beau, sera assurément très rude pour nos gambettes qui auront déjà parcourues 155km.



coucher de soleil sur l'aiguille du Midi et le Mont Blanc
Avant course :

Jeudi 28 Août en fin de matinée je retrouve Irving à la Gare de Lyon avant le départ pour Chamonix. Il arrive de Calais, nous avions terminé l’édition 2007 ensemble. On s’était retrouvé en Belgique aux Caracoles Célestes en mai où on avait décidé de loger ensemble à Chamonix.

Après 3 changements de train nous arrivons vers 17h00 à Chamonix avec de nombreux autres participants. Direction l’hôtel en plein centre. Je souhaitais cette année loger proche de l’arrivée pour des questions de facilité. Notre hôtel est carrément sur le place du triangle de l’Amitié lieu de départ et d’arrivée de la course.

Nous devrions avoir le temps de passer aujourd'hui au contrôle du matériel et récupérer notre dossard. Cette année les formalités d’avant course se font sous l’immense chapiteau de l’Ultra Trail Show installé sur le champ Savoy à coté du magnifique bâtiment Belle Epoque qui abrite aujourd’hui le Club Med. Arrivé devant le chapiteau il y a une queue de plusieurs dizaines de mètres, on nous annonce 1h30 à 2h d’attente, incroyable, l’an dernier le jeudi soir il n’y avait quasiment personne. On décide de faire le tour des stands avec un passage obligé sur le stand UFO pour serrer la paluche aux potes, on trouve également Olivier91 qui fait la promo de la future course qu'il organise pour Juillet 2009 la Montagn'Hard (115km et 10000m D+), à ne rater sous aucun prétexte. On reviendra demain matin pour les formalités.

le chapiteau sous le Mont Blanc
(photo Akuna)

le stand UFO avec le nouveau maillot, indispensable !
(photo Akuna)
Effectivement le lendemain matin c’est beaucoup plus calme, on passe au contrôle du matériel, on retire notre dossard et on nous fixe le bracelet avec la puce pour le chronométrage. Nous avons les dossards 872 et 873 qui correspondent à nos classements sur l’édition 2007 c’est la tradition sur l’UTMB. On récupère également les 2 sacs coureurs pour Courmayeur et Champex ainsi qu’une nouveauté cette année : un gobelet pour les ravitaillements. Pour éviter les gobelets plastiques à chaque ravitaillement l’organisation en fournit un à chaque coureur qu’il devra utiliser sur tous le parcours. Seul hic, le système de fixation n’est pas fourni il faut l’acheter 2€ sur le stand du fabriquant ou se débrouiller pour le fixer au sac comme on peut. Pas cool.

Irving au contrôle du matériel

alignement des drop bag
Nous retournons à l’hôtel pour préparer nos affaires au calme et ne pas se disperser avant la course. La météo est annoncée belle et même chaude, le choix de l’équipement est simple à faire. Collants et maillots manches longues pour la nuit avec la veste dans le sac et manches courtes et cycliste pour le jour.

Vers midi on prend un dernier vrai repas et à 15h on s’équipe avant d’aller déposer nos sacs dans le gymnase prévu à cet effet. Encore une fois il y a la queue à la dépose des sacs. Pour éviter de patienter debout on passe au self du lycée mis à notre disposition pour grignoter un dernier petit bout. La queue avance finalement assez vite et nous déposons nos sacs avec les milliers d’autres classés dans l’ordre des dossards.

On rejoint le centre ville et la zone de départ. Il fait chaud il faut éviter de rester planter au soleil. Les breafings habituels en français, anglais et italien s’enchaînent et l’heure du départ approche. La musique de Vangelis monte en puissance, nous sommes tous impatients d’être libérés.


l'arche de départ et ... d'arrivée

prêt ! partez !

carte 1

carte 2

carte 3
Chamonix - St Gervais - Les Contamines (km31-temps de course:4h25) :

Vendredi 29 Août à 18h33 sur la place du Triangle de l’Amitié en plein centre de Chamonix les 2400 participants de l’édition 2008 de l’UTMB sont libérés.

Nous sommes relativement bien placés dans l’aire de départ et nous pouvons courir dès les premiers mètres malgré la foule impressionnante qui borde le parcours dans les rues de Chamonix. Il faut rester prudent sur ces premiers kilomètres et éviter de se faire embrocher par certains coureurs qui jouent aux majorettes avec leurs bâtons. Après 2km de bitume à travers la ville nous empruntons un large chemin qui démarre au niveau du légendaire rocher d’escalade des Gaillands. Le chemin ondule sur la rive droite de l’Arve et permet au peloton de s’étirer.

Comme l’an dernier la météo est avec nous, pas un seul nuage sur les sommets par contre la température est un peu élevée en cette fin de journée. Malgré un départ en manches courtes j’ai rapidement chaud. Après quelques km nous traversons l’Arve sur le barrage des Houches pour remonter par une route pentue où la plupart des coureurs marchent.

départ vu du ciel

(photos cyril bussat pour ceux qui ne l'avait pas vu)

on peut courir malgré la densité de coureurs
(photo Akuna)

traversée de l'Arve sur le barrage
Le 1er point d’eau est dans le centre des Houches où les supporters sont toujours aussi nombreux. A peine 50mn pour ces 8 premiers km on n’a pas traîné. Au parking du téléphérique nous quittons la route pour attaquer la 1ère ascension du parcours (800m de D+) vers le col de Voza et La Charme. Le chemin est large et raide par endroits, certaines portions sont bitumées car elles permettent d’atteindre les chalets d’altitude. Le chemin serpente ensuite sur les pistes de ski et en forêt. Au col nous continuons sur la droite pour atteindre La Charme, 1er pointage. 15km et 1h52 depuis le départ, je fais remarquer à Irving que ça me semble un peu rapide pourtant nous n’avons pas forcé outre mesure. 

dans la montée de Voza

Le jour tombe sur le massif et nous attaquons la longue descente sur St Gervais (1000m D-). Le parcours a été amélioré par rapport à 2007. La 1ère partie, droit dans la pente sur les pistes de ski est cassante mais nous prenons ensuite un sentier en forêt plus agréable. Les cuisses chauffent et il faut s’économiser pour la suite. La nuit est tombée, il faut sortir les frontales pour terminer la descente. Les 1ers chalets de St Gervais sont là. On débouche dans la rue principale sous les clameurs et les lumières de la ville et comme l’an dernier on fait un aller-retour en passant par des escaliers avant d’accéder au 1er ravitaillement. 21km et 2h46 de course, la descente aura été effectuée en 54mn.

passage au-dessus du col de Voza

St Gervais
(photo Akuna)

C'est le début j'ai encore le sourire
(photo Bombyx)

pointage de La Balme
(photo Bombyx)

Le jour décline avant la plongée sur St Gervais
(photo Bombyx)

la nuit arrive
(photo Bombyx)
Je passe rapidement ce ravitaillement, j’ai prévu de faire le plein au suivant. J’attrape à la volée des biscuits salés et du saucisson que je mange en marchant. Une énorme passerelle nous permet de traverser la route sans couper la circulation puis nous entamons une partie que je n’apprécie guère. 10 km avec seulement 500m D+ qui alternent chemin et bitume pour atteindre Les Contamines. On peut encore courir sur quelques portions.

La nuit a fait baisser la température mon maillot manches courtes trempé de sueur commencent à être un peu juste, je me changerai au ravito. J’arrive aux Contamines un peu avant 23h00 soit approximativement 4h30 de course. Le peloton est encore dense et il y a de nombreux supporters, c’est le dernier point facilement accessible par la route. Je met mon maillot manches longues, je mange un peu et je rempli la poche à eau.

Comme toujours je tourne au mélange eau + malto gout neutre que je dose relativement léger. A chaque ravito je bois du coca ou du thé sucré et de la soupe. Pour la nourriture je mange assez léger, une barre toutes les heures et aux ravitos je mange salé pour compenser les pertes dues à la transpiration.

carte 4

carte 5
Les Contamines - Les Chapieux (km50-temps de course:8h40) :

Nous repartons des Contamines pour attaquer le plus gros dénivelé du parcours (1400m D+). Les 3 premiers km jusqu’à Notre Dame de la Gorge sont quasi plats puis le chemin romain avec ses grandes dalles annonce le début de la montée. Je suis toujours avec Irving et nous maintenons le rythme prévu même si je force un peu pour rester au contact. Les quelques chalets qui bordent le chemin font la fête et tous nous encouragent malgré l’heure avancée de la nuit. Au km39 nous atteignons le refuge de La Balme. C'est le dernier point où il y a encore quelques courageux spectateurs avant la haute montagne. Je bois une soupe au ravitaillement, mange un biscuit salé et nous repartons pour l’ascension du Col du Bonhomme. La température a encore baissée et il y a souvent du vent au col, j’ai mis ma veste avant de partir du ravito.

C'est à partir de ici que la course commence vraiment. On quitte la vallée bruyante et encombrée pour la haute montagne et le silence relatif de la nuit. La montée se fait en 3 paliers assez raides entrecoupés de courts replats. Dans la 2ème partie nous rattrapons 2 italiens. Le 1er parle sans cesse tout en avançant d’un bon pas on se demande quand il respire. Dans une épingle il oublie le balisage et il emmène tout le groupe trop à gauche. En levant la tête je m’en aperçois rapidement et je rectifie en coupant pour rejoindre le parcours. On les branche gentiment en leur disant qu’ils devraient moins parler mais je ne sais pas s’ils ont compris. Au bout de quelques minutes on les laisse prendre un peu d’avance car ils sont vraiment saoulant.

Cette année pas de névé sur la montée, nous arrivons au col du Bonhomme. Les gendarmes de montagne sont là pour assurer la sécurité des coureurs. Un petit bonjour et nous continuons l’ascension vers la Croix du Bonhomme. Il y a encore 150m de D+ au milieu des rochers avant de basculer. Au sommet je prends le temps de resserrer le laçage des chaussures pour la très technique descente sur Les Chapieux. Je mange une barre et c’est parti, 900m D- avec une petite incursion en Savoie sur la commune de Bourg-St-Maurice.

ravitaillement de La Balme, la chaleur du feu fait du bien

Col du Bonhomme
(photo prise sur la PTL par Mercator)

Col de la Croix du Bonhomme
(photo prise sur la PTL par Mercator)

Refuge de la Croix du Bonhomme
(photo prise sur la PTL par Mercator)
300m sur un bon chemin et on passe le contrôle-ravito du refuge de la Croix du Bonhomme. La première partie de la descente est piégeuse. Le chemin est creusé d’ornières profondes dues aux eaux de ruissellement et il faut rester attentif à chaque pose de pied. Les bâtons sont d’un grand secours pour garder l’équilibre dans cette descente. Il y a souvent des chutes dans cette descente. J’assure en gardant un rythme correct et j’avale cette descente en 50mn, Irving s'accroche. J’ai bien progressé en descente ce qui me permet de doubler pas mal de monde dans ces parties. Nous arrivons aux Chapieux à 3h10 du matin, je suis dans les temps de l’an passé, tout va bien. C’est la 1ère « base vie » où l’on peut manger un plat chaud. Je refais le plein de la poche à eau, on mange léger et nous repartons cap à l’Est direction l’Italie par le col de la Seigne.

l'ami Akuna arrive aux Chapieux

dans la "base vie" des Chapieux
(photo Bombyx)

carte 6

carte 7

carte 8
Les Chapieux - Courmayeur (km78-temps de course:15h00) :

Nous commençons par 5km de bitume sur la route qui conduit à la Ville des Glaciers. En fait de ville c’est une poignée de maisons où la route vient mourir au fond de la vallée. Malgré le bitume personne ne court car la pente est forte seul la tête de course doit passer là en courant et il faut se réserver pour la montée au col de La Seigne. Après le hameau le chemin descend un court instant pour passer sur l’autre flan de la montagne. On laisse le refuge des Mottets sur notre gauche et on attaque la montée sur un sentier raide en lacets. La nuit est noire, c’est la nouvelle lune et en se retournant on aperçoit la longue guirlande de frontales que forme les coureurs sur plusieurs kilomètres. La fin de l’ascension se fait en balcon et nous atteignons le large sommet du col où nous sommes pointés à 5h50 du matin. C’est la bascule en Italie, forza ! Le jour devrait se lever dans une heure et comme il n’y a pas de nuage le spectacle sera grandiose. 60km en 11h20 la 1ère nuit s’est bien passée, nous pointons 836ème et tous les voyants sont au vert.

final du col de La Seigne
(photo Akuna)

Col de la Seigne et son pointage
(photo Akuna)
Après une courte portion raide sur un sentier caillouteux, le chemin s’élargit et les jambes apprécient de trottiner un peu. Les prémices du jour se devinent à l’horizon, la montagne se sépare du ciel.

On laisse le refuge Elisabetta sur la gauche pour plonger sur le lac Combal par le flan droit. Cette partie a été légèrement modifiée, le ravito est repoussé au bord du lac et on y accède par un sentier moins pourri. De grands bâtiments ont été construits pour l’élevage, on entend les clarines des vaches qui nous regardent passer sans s’émouvoir plus que ça. Arrêt rapide au ravito car il fait froid, Irving en profite pour faire une vidange, des latrines sont installées à proximité puis il me rejoint sur le long chemin rectiligne qui traverse le lac Combal qui n'est plus qu'un marécage. Le jour se lève on peut ranger les frontales avant d’attaquer l’arrête Mont Favre, dernière montée (465m D+) avant la descente sur Courmayeur.

Le col de la Seigne au passage d'Akuna
(photo Akuna)

descente du col de la Seigne

sous le refuge Elisabetta

arrivée sur le ravito du lac Combal

brume matinale sur le Lac Combal

Lac Combal avec le col de La Seigne au fond
La montée à Mont Favre commence par quelques lacets dans une pente raide puis on traverse un grand cirque herbeux pour finir sur l’arête. On aperçoit la tente jaune du contrôle depuis le bas. Elle semble loin mais la montée passe bien, le soleil n’est pas encore levé et la température est idéale.

La famille me suit en live sur le site de la course et Babeth m'envoie un 1er SMS : "Encore 2/3 tu es 835ème Bisous". Ces messages et ces coups de fil de la famille et des amis sont toujours très réconfortants, on se sent soutenu à distance.

Dans les alpages on croise encore de nombreuses vaches et même quelques cochons. On débouche sur l’arête Mont Favre (km69 - 13h20 de course) où le soleil nous accueille. La vue sur le versant italien du Mont Blanc est magnifique, nous faisons une petite pose pour prendre des photos.

troupeau de vaches et de coureurs

pose photo sur l'arête Mont Favre sous le Mont Blanc avec les 1er rayons de soleil
Il reste 10km de descente jusqu’à Courmayeur via le col Chécrouit. Le sentier est de bonne qualité on peut se lâcher un peu sur cette traversée en balcon. On aperçoit les remontées mécaniques de Dolonne et on retrouve la forêt en perdant de l’altitude. L’ambiance au refuge de Maison Vieille est toujours surprenante. Cette année se sont des danseuses orientales qui nous accueillent. Nous arrivons à 8h37 avec Irving il encore un peu tôt pour le spectacle mais les danseuses sont là en train de se préparer, la photo s’impose.

descente en balcon vers le col Chécrouit

Irving fait le plein au ravito de Maison Vieille

Trouvez la danseuse !
La descente continue sur un large chemin au milieu des pistes de ski. Puis à mi-pente le parcours part en forêt sur un sentier agréable avec quelques belles marches. En sortant de la forêt on débouche en haut d’une prairie qui domine le village de Dolonne qui fait face à Courmayeur. Un peu aprés 9h00 2ème SMS de Babeth qui nous informe qu'on a gagné 163 places au classement. Ca me surprend un peu car il me semble que nous n'avons pas doublés autant de monde mais ça donne des ailes. Une petite route en légère descente nous emmène dans les rues étroites et pavées, de nombreux spectateurs sont là pour nous accueillir. Encore quelques centaines de mètres et nous arrivons devant l’immense Palais des Sports dans lequel est installée la 2éme « base vie ». Ici on récupère le sac de change laissait la veille à l’organisation, on passe le pointage puis on monte dans la salle pour manger et se changer. Il est 9h25, nous sommes partis depuis 14h53 et nous sommes pointés 840ème. Tout va bien.

la rue pavée de Dolonne

traversée de Dolonne
Nous avons une belle marge avec la barrière horaire qui est à 13h mais le temps passe très vite sur ces arrêts. Nous commençons par manger, je prends quelques pâtes sans sauce, un riz au lait et un peu de fromage puis direction la salle pour se changer. Nous allons attaquer une journée chaude et je change donc tout l’équipement jusqu’au slip. Maillot manches courtes, cycliste et manchons Booster. En enlevant les chaussettes je remarque que j’ai une ampoule sur chaque pied coté intérieur sur le talon, je ne les sentais pas. J’hésite un instant puis je tente la salle de soins. J'informe Irving que je vais voir si on peut me prendre tout de suite, s’il y a la queue je reviens. La salle de soins est de l’autre coté de la salle, je me pointe et je suis pris en charge immédiatement. La jeune podologue (ce sont en général des étudiants en podologie) sort sa seringue, vide les ampoules, aseptise avec l’oséïne (ça pique un peu) et applique un grosse couche de crème sur les 2 pieds. 10mn pour le tout c’est impeccable. Je rejoins Irving qui se bât avec sa poche à eau. Nous faisons les pleins, rangeons nos affaires sales dans les sacs qui seront rapatriés à l’arrivée et nous sortons du Palais des Sports après 1h d’arrêt. Le temps passe vraiment vite.

les drop bad des coureurs rangés par ordre des dossards

salle à manger dans la base vie

carte 9

carte10
Courmayeur - Arnuva (km94-temps de course:20h00) :

Il est 10h30 ce samedi matin et nous nous lançons sur une partie que j’ai apprécié l’an dernier. Il fait beau mais chaud. On descend dans Dolonne vers le pont qui traverse la rivière puis on remonte vers Courmayeur. Il faut traverser la route qui arrive du Tunnel du Mont Blanc puis le centre ville de Courmayeur. On emprunte ensuite une rue qui monte régulièrement sur 2 km dans le vallon Sud de la Montagne de la Saxe que nous allons grimper. Après les dernières maisons on prend un large pont en bois sur la gauche et on attaque la montée vers le refuge Bertone.

Un regroupement d’une dizaine de coureurs s’est formé. Après le pont le marquage du Tour du Mont Blanc et du refuge nous incite à prendre un sentier qui monte en lacets dans la forêt. Tout le groupe suit d’autant que c’est le parcours de l’an dernier. Rapidement nous ne trouvons plus de balisage et on commence à s’interroger sur le tracé de la course. Nous sommes à peu prés certains de l’itinéraire mais l’absence de rubalise UTMB nous met un doute. On s’arrête pour sonder les avis de chacun, un gars décide de redescendre jusqu’à la précédente rubalise sur le large chemin. Nous continuons doucement en attendant. Après 500m de progression on retrouve le chemin 4x4 et le marquage de la course. En fait sur cette première partie de la montée le parcours de la course restait sur le chemin et ne suivait pas le sentier du TMB. Celui qui était redescendu nous rejoint sur le chemin et tout rentre dans l’ordre, il n’y avait finalement pas une grande différence entre les 2 parcours.

La montée démarre vraiment sur le sentier du TMB. 700m de D+ raide mais régulier et en forêt ce qui nous garde à l’ombre. Dès le début de la montée nous tombons sur une équipe TV équipée d'une caméra avec un preneur de son et d'un journaliste qui m'arrête. Le gars me pose 3 fois la même question : « Il faut être fou pour faire cette course ». C’est le genre de questions qui exaspère en général les coureurs d’ultra. Je tente de lui expliquer que non, que nous sommes préparés pour ce type de course, etc, etc, … Devant son insistance sur notre soi-disant folie je repars mais ils me suivent un instant. Je lui raconte encore 2 ou 3 bêtises puis ils sont obligés de lâcher car avec leur barda ils ne peuvent pas suivre longtemps.

Dans l’histoire je me suis fait distancer par Irving et le groupe. J’ai la pêche et je recolle assez vite. Je trouve même que le rythme est un peu lent et à chaque occasion je double. Au bout de 20mn je me retrouve en tête du groupe et je prends un peu d’avance. La sortie de la forêt annonce la fin de l’ascension et on aperçoit le refuge. 1h30 de montée c’est correct on arrive au refuge Bertone à midi.

Courmayeur, montée vers la Saxe

du refuge Bertone, Courmayeur en fond de vallée
Pendant cette journée du samedi mon père et mon frére prendront régulièrement de nos nouvelles et nous informeront de notre progression dans le classement, c'est vraiment le top d'avoir ces infos en direct pendant la course.

Malgré les 2000m il fait chaud. Au ravito je reste classique 2 verres de coca et un bout de banane et nous repartons. La montée n’est pas terminé reste une petite grimpette pour atteindre le col qui bascule sur le val Ferret italien. Suivent 12km en balcon avec une vue magnifique, face Sud des Grandes Jorasses, Dent du Géant, Aiguille de l’Evêque et tout au font le Grand Col Ferret qui nous atteindrons dans quelques heures mais sur lequel on distingue déjà la minuscule tente jaune du contrôle. Cette partie est agréable on reste à la même altitude en ondulant sur un sentier roulant où l’on peut courir.
On est à découvert et malgré l’altitude la chaleur se fait sentir. On vient de passer la mi-course (83km) et les premières défaillances arrivent. Régulièrement on croise des coureurs alongés sur le bord du chemin et qui tentent de récupérer un peu. En passant on demande toujours si tout va bien et si c’est le cas on continue. Les ravito sont assez proches et nous arrivons sous le refuge Bonatti que l’on atteint par un petit raidillon. 19h de course, petite pause au ravito, 2 verres de coca et un bout de banane et ça repart.

un italien bien fatigué

repos pour certains

versant italien du Mont Blanc

quel plaisir de courir dans ce décor

Irving sous la Dent du Géant

refuge Bonatti

derrière le col de la Seigne passé cette nuit

devant le Grand Col Ferret dans quelques heures
Le sentier continue en balcon jusqu’à l’aplomb d’Arnuva. C’est le bout de la route du Val Ferret italien, il y a de nombreux touristes et quelques courageux accompagnants qui ont fait la route depuis Chamonix.

C’est aussi un lieu où traditionnellement les abandons sont nombreux, la suite est une longue partie où les ravitos seront plus espacés et le rapatriement plus compliqué. Le car de l’organisation est là pour le retour sur Chamonix.

250m D- de descente nous amènent au ravito d’Arnuva. 20h00 de course nous sommes pointés 774ème on a progresser de 65 places depuis Courmayeur. On prend le temps de boire, de manger et surtout de faire le plein de la poche à eau.

arrivée sur Arnuva

début de la montée sur le grand Col Ferret

carte 11

carte 12

carte 13
Arnuva - Champex (km123-temps de course:26h30) :

C’est parti pour l’ascension du point culminant de la course le Grand Col Ferret (2537m) soit 800m D+. La chaleur est bien présente. 200m au plat on traverse le torrent glaciaire dans lequel je trempe abondamment ma casquette pour garder la tête au frais et nous attaquons la pente herbeuse sur un sentier de bonne qualité mais qui monte fort par endroit. Je sens qu’Irving à un peu de mal à suivre sur cette partie. Je me retourne de temps en temps, il parvient à garder le contact.
A l’approche du refuge Elena il m’informe que ça ne va pas du tout, qu'il a la tête qui tourne. Ca sent le coup de chaud. On profite du refuge et de sa fontaine d’eau fraîche pour faire une pause. Irving s’assoie à l’ombre, 2 gamins italiens sont prêts de la fontaine avec des gobelets et lui amènent de l’eau. Il perd un gel, je lui mouille sa casquette et il reprend un peu des couleurs. Il faut qu’il se repose avant de tenter de repartir. Je ne cherche pas à le forcer à repartir tout de suite c’est lui qui doit sentir s’il peut repartir sans prendre de risque. Après 10mn d’arrêt je pars devant et lui propose qu’il m’appelle dès qu’il redémarre, je l’attendrai au col.

Le sentier monte en lacets raides sur la pente herbeuse. On ne voit plus le sommet car le parcours s’oriente vers la droite dans un vallon. Je reprends un UFO que je ne connais pas et qui n’est pas très bavard. Je n’insiste pas il semble dans le dur. Puis je reviens sur un couple de Kikourou que je connais par forum interposé et qui monte sur un bon rythme. Je prends des nouvelles des potes puis je continue. Le parcours revient sur la gauche et nous débouchons sur le final où nous apercevons bien maintenant les tentes jaunes de l’organisation posées au col. J’arrive au col à 16h24 en 776ème position, malgré mon arrêt au refuge Elena je n’ai perdu que 2 places, j’ai fait une belle montée.

Un peu avant d’arriver au col Irving m’a appelé, il a tenté par 2 fois de repartir mais rien n’y fait. Plus de jambe, plus d’envie, avec ce qu’il l’attend ensuite c’est un peu risqué de tenter le coup. Il préfère arrêter là et redescendre à Arnuva où il pourra se faire rapatrier par l’organisation. Dommage, je suis triste, on ne bouclera pas un 2ème UTMB ensemble, je continue seul mon périple.

Irving s'accroche dans la montée du col

on aperçoit enfin la tente jaune

le soleil se couche au passage d'Akuna

sa descente se fera à l'ombre
Le Grand Col Ferret marque le km100 (99 exactement) et la bascule en Suisse. La météo est toujours radieuse, sur notre gauche on peut admirer le Mont Dolent point frontière des 3 pays. A suivre la plus longue descente du parcours (20km) durant laquelle on va reperdre 1500m d’altitude. Un peu moins de 22h de course je suis dans mes temps, légèrement en avance par rapport à l’an passé, le moral et le physique vont bien. La descente est assez roulante sur la 1ère partie, curieusement il y a beaucoup moins de coureurs que dans la montée et je passe de longues minutes à courir seul, ça change et ça fait du bien. Je reprends quelques coureurs dans la descente avant d’arriver sur l’alpage de La Peule qui était un ravito en 2007 et qui n’est plus qu’un point d’eau cette année, je passe sans m'arrêter. On arrive en fond de vallée et on retrouve un peu de forêt.

La partie pour rejoindre La Fouly a été modifiée. Au lieu de rejoindre la route et de rester le long du torrent on continue sur le flan de la montagne sur un sentier d’altitude. On remonte légèrement dans les herbages avant de plonger droit sur La Fouly par un sentier raide et poussiéreux. On traverse le torrent et on retrouve la route qui nous amène au ravito de La Fouly. Quelques spectateurs nous accueillent à l'entrée du village. Je passe le contrôle à 18h00, 23h00 de course en 718ème position, 60 places de gagner depuis le col. Je bois une soupe, un coca, je mange un bout de banane et je reprends la route vers Champex.

La descente continue en fond de vallée où nous alternons les rives du torrent traversé sur des ponts en bois. On traverse le village typique de Praz de Fort avec ses chalets suisses en bois puis nous rejoignons par des chemins le point bas à Issert (km118) qui marque la fin de la descente.

point d'eau à l'alpage de La Peule

Praz de Fort

C'est beau la Suisse (Photo Bombyx)

Champex en haut à gauche dans le creux du col
Je traverse la route et j'attaque la montée vers Champex (5km - 460m D+) en forêt sur un sentier raide sur la 1ère partie. Je reste un moment derrière 3 coureurs qui ont un rythme qui me convient. Ils font une pause au milieu de la montée, je passe et je viens me coller derrière un grand costaud qui ne semble pas au mieux. Il me dit que ça ne va pas trop qu’il a la tête qui tourne. Je lui propose un gel mais il me répond qu’il a trop mangé de sucré, qu’il fait une hypo et qu’il préfère prendre un peu de sel qu’il a dans son sac. Ce qu’il me raconte n’est pas très cohérent mais je le laisse faire. Il s’étrangle presque à prendre son sel et doit s’arrêter pour boire. Je lui demande une dernière fois si tout va bien et je continue.

La nuit commence à tomber et avec l’obscurité de la forêt je dois sortir ma frontale. Cette montée paraît ne pas finir, on traverse une route, on continue en forêt pour finalement déboucher devant l’entrée de l’immense tente qui abrite la « base vie » de Champex. Il est 21h je suis pointé 633ème en 26h30, belle progression mais je sais aussi que c'est à partir d'ici que j'ai commencé à en baver en 2007. Cette année j'arrive en meilleur état sans besoin de soin.

Avant d’entrer je récupère mon sac puis je pénètre sous la tente où il fait chaud. Il y a du monde car de nombreux accompagnants ont fait le trajet par la route et c'est aussi traditionnellement un point où de nombreux gars jètent l'éponge à l'attaque de la 2ème nuit. Seulement 1300 coureurs sur 2400 iront au delà, par contre quasiment tous ceux qui repartiront iront au bout, Champex est la clé de la course pour être finisher.

Arrivée à la base vie de Champex

Ambiance à l'intérieur
J’ai une très large avance (6h) sur la barrière horaire, je prends le temps de manger. Pâtes avec du fromage, riz au lait et une soupe. Je suis assis à une table prés de l’entrée et je vois arriver mes potes UFO de l’équipe des Oxiens Myrtivores (Paulo et Iza) qui sont sur la PTL, rando-course en équipe de 3 de 220km à faire en moins de 100h. Il sont partis mercredi matin, ils ont malheureusement perdu dès le 1er jour Yves leur 3ème équipier avec qui j'ai fait 2 fois le Raid 28 et ils vont terminer en empruntant le même parcours que nous. Paulo me montre les impressionnantes photos prises sur leur parcours du coté du Grand St Bernard.

Je termine mon repas et je cherche un coin pour me changer. Je tente la salle de repos mais elle est bondée, je me pose dans un coin et je déballe mes affaires. Je passe en manches longues et collant, je change slip et surtout chaussettes. Les pieds sont en bon état et une bonne couche de crème suffit. J’hésite un instant à changer les chaussures puis finalement je chausse mes Lafuma Trail qui ont une semelle plus accrocheuse que les Salomon. Alors que je remballe mes affaires un matelas se libère, je ne sens pas le besoin de dormir mais me rappelant mes difficultés dans la montée de Bovines en 2007 je m’allonge un peu. Je ne m’endors pas et après 20mn je décide de repartir. Je fais le plein de la poche à eau avec un peu de poudre, je dépose mon sac et je sors de la tente.

carte 14

carte 15

carte 16

carte 17
Champex – Chamonix (km166-temps de course:41h30) :

J’ai fait un arrêt total d’1h, c’est ce que j’avais prévu avant d’attaquer la 2ème nuit. La température est douce le maillot manches longues suffit, la veste Goretex reste dans le sac au cas où. A la sortie de la « base vie » 2 cars de l’organisation, pleins de gars qui arrêtent ici, partent pour Chamonix, dure réalité de la course. Je continue, on traverse Champex en longeant le lac puis on prend à gauche sur un large chemin carrossable. Je remonte quelques coureurs dont l’allure un peu lente ne me convient pas. J’espère trouver un petit groupe pour effectuer la fameuse montée de Bovines qui commencera dans 4km environ.

Cette montée a toujours fait beaucoup parler d’elle. D’abord parce qu’elle se trouve au km125 et que la majorité des coureurs y passe pendant leur 2ème nuit. Ensuite parce qu’en cas de pluie comme c’était le cas dans les premières éditions, son ascension est très glissante. Heureusement depuis 2 ans les conditions météos sont bonnes.

Nous descendons légèrement dans le vallon jusqu’à Plan de l’Au puis le chemin reprend doucement de l’altitude. La pente s’accentue petit à petit et nous attendons le sentier qui annonce le début de la montée. Un regroupement de 5 ou 6 coureurs au rythme similaire s’est effectué tout seul. On discute de ce qui nous attend, ceux qui n’ont jamais fait cette montée cherchent à se faire une idée de la difficulté à venir. On aperçoit au-dessus de nous de minuscules lucioles qui sont les frontales de ceux qui sont déjà en haut. Le sentier arrive enfin et je laisse mon voisin faire la trace.

La 1ère partie se fait sur un sentier bourré de gros cailloux et de racines, il est assez large et il suffit de bien choisir son passage pour grimper correctement. Nous reprenons de petits groupes, un ou deux coureurs nous dépassent. On entend sur notre droite le grondement du torrent qui descend de la montagne et que l’on devra traverser plus haut. A mi pente le sentier part sur la droite et nous traversons le torrent. Je prends la tête du groupe et nous attaquons la partie la plus technique de cette montée. Ca monte raide au milieu de racines et de gros rochers qui forment parfois des marches énormes où il faut mettre les mains pour passer. Nous gardons un rythme régulier sans marquer d’arrêt. Régulièrement je lève la tête pour essayer de deviner la sortie de la forêt qui annonce la fin de la montée. Les arbres commencent à s’éclaircir, un vent frais se fait sentir, nous arrivons enfin sur le sentier en balcon qui contourne le dôme de Bovines par la droite.

quelques photos de jour du sentier de Bovine

imaginez de nuit

Photos Eric Tuerlings

sortie de la forêt et fin de la montée

le chemin en balcon au dessus de la vallée du Rhône

au fond le Collet Portalo
On domine maintenant la vallée du Rhône et la ville Suisse de Martigny dont l’éclairage urbain nous offre un étonnant spectacle. On atteint l’alpage de Bovines avec son pointage et son ravito. 30h30 depuis le départ, 631ème je ne le sais pas encore mais ce sera mon meilleur classement. Je bois un coca, une soupe, je mange un bout de banane et je repars car il fait frais. Le parcours monte encore un peu jusqu’au Collet Portalo (2049m) puis nous entamons la longue descente sur Trient via le col de la Forclaz. 5,5km sur un sentier monotone et fastidieux à cause des nombreuses marches et racines. A l’approche du col les quelques maisons nous font croire que nous arrivons sur Trient mais il y a encore 1,5km avant d’atteindre le village. Le ravito est installé sur la place, ils nous a fallu 2h pour faire cette descente. Il y a une bonne ambiance dans la tente malgré l’heure avancé de la nuit. Les bénévoles de la course sont vraiment d’un grand soutien, on ne les remerciera jamais assez. Je me pose un peu pour manger et boire.

En 2007 j’avais connu de grosses difficultés dans la montée suivante, j’ai 5h d’avance sur la barrière horaire je décide de tenter une petite sieste. La salle de repos est installé dans la mairie du village et elle est au calme contrairement à celle de Champex. La bénévole me trouve un matelas et me demande dans combien de temps je veux être réveillé. C’est pas du luxe ça ! Je lui annonce 30mn. Un fois allongé je m’endors rapidement. 30mn après la bénévole me donne une tape sur le pied et je me lève. J’ai la sensation que ça m’a fait du bien.

arrivée dans Trient

le contrôle de Castogne (de jour)
C’est reparti, on descend jusqu’au creux de la vallée, on traverse la petite route et on attaque la montée vers Catogne en passant pas Les Tseppes (5km-800mD+). Je pars seul sur cette longue et régulière montée. Pas beaucoup de monde sur le parcours mais la 1ère partie passe relativement bien. Puis petit à petit je sens arriver le coup de mou. Vers 4h du matin je commence à somnoler sur le sentier. La pente s’affaiblit mais je n’avance plus. Quelques gars me dépassent et je n’arrive pas à m’accrocher. La tête commence elle aussi à fatiguer, je n’ai plus envie d’avancer et les idées noires me traversent l’esprit. J’en arrive même à penser arrêter à Catogne.

20mn plus tard je tombe sur une toile tendue sur le sentier, éclairée de 2 lampes avec 2 bénévoles qui discutent. C’est le pointage de Catogne, il n’y a pas de ravito cette année et il n’est pas possible pas d’arrêter là, seul un blessé serait évacué. Ca va me relancer. Je m’assoie un instant pour discuter avec les bénévoles suisses à l'accent local prononcé. Un coureur arrive et nous dit qu’il s’endort en marchant et qu’il n’a plus envie. Tiens, on est 2. Je lui propose de continuer ensemble jusqu’à Vallorcine, on ferra le point en bas.

télésiège des Esserts à la frontière franco-suisse
C’est reparti pour 6km de descente sur un sentier humide. On discute et on reprend du poil de la bête. Et comme l’an dernier le levé du jour va être bénéfique. C’est assez incroyable de pouvoir repartir de plus belle avec le jour. On devine l’énorme barrage d’Emosson posé en face sur le flanc de montagne. On rejoint les pistes de ski des Esserts où l’on passe la frontière franco-suisse. On reprend la course sur le large chemin carrossable, on croise 2 ou 3 coureurs qui dorment à même le sol sur le chemin enroulés dans leur couverture de survie. Le voie ferrée apparaît en dessous, Vallorcine n’est plus très loin. On traverse le passage à niveau pour accéder au ravito de Vallorcine. Il est 7h24 ce dimanche matin, je suis parti depuis 36h50, classé 725ème. Je n’ai finalement pas perdu trop de place mais ce n’est pas le plus important. Je sais maintenant que j’irai au bout.

Je prend le temps de me restaurer et de faire le plein d’eau. J’ai aussi besoin d’aller aux toilettes. Les bénévoles m’indiquent qu’il faut utiliser celles de la gare. Ce sont des toilettes turques où il faut s’accroupir. Je suis désolé de vous raconter ces détails mais dans ce type de toilettes le plus compliqué est de se relever une fois accroupi surtout après 150km de course. Je vous avoue qu’il m'a fallu plusieurs tentatives pour en sortir.

passage à niveau au ravito de Vallorcine

on longe la voie ferrée vers le col des Montets
Je repars sur le chemin qui longe la voie ferrée où je retrouve mon compagnon d’infortune de la nuit. Nous montons tranquillement jusqu’au col des Montets. Nous allons attaquer le nouveau final. Face à nous un mur de 700m D+ sur à peine 3km. De plus on voit du pied du col le tracé qui semble monter droit dans la pente. Je prend un gel au pied de la montée et j‘attaque prudemment. La montée est rude il y a de nombreuses marches faites avec des rondins.

col des Montets au pied de la dernière montée

la dernière avant le schuss final
Plusieurs fois il semble que nous atteignons le sommet mais ça continue encore. Le mur se termine mais l’ascension continue sur un sentier pas toujours évident au milieu de rochers. On arrive enfin au pointage de la Tête aux Vents. 2h15 de montée je n’ai perdu que 10 places dans cette montée, 735ème.

sortie du mur, Vallorcine en fond de vallée

encore un petit effort avant le sommet
Alors que j’entame la descente finale sur Chamonix via La Flégère, 2 coureurs arrivent derrière moi et j’entends : on peut y être à midi si on descend bien. Je regarde ma montre il est 10h15, il reste 10km de descente et ça me paraît difficile. Ils me dépassent et se lancent dans la descente. Et si je les suivais. A ma grande surprise les jambes répondent bien et j’arrive à m'accrocher. La descente est assez technique au milieu des rochers mais nous tenons un rythme qui me semblait impossible il y a 5mn. Bien calé derrière mes 2 lièvres nous doublons de nombreux concurrents. Sur cette partie en balcon le paysage est magnifique nous dominons tout le versant du massif du Mont Blanc. On traverse un énorme pierrier et en 40mn nous arrivons au ravito de La Flégère au milieu des pistes de ski de la station.

traversée de pierrier

depuis la Tête aux Vents, Chamonix tout en bas

début de la descente en balcon

la station de La Flégère est en vue
Mes 2 compagnons s’arrêtent un instant, je continue. Une petite côte et la descente se fait sur une large piste caillouteuse où les quadriceps sont à rude épreuve. Je maintiens mon rythme et je reprends régulièrement des coureurs. Un italien me double à une vitesse impressionnante mais je le retrouverai plus bas. Le parcours part enfin sur un sentier en forêt. Il y a de nombreuses racines il fait rester vigilant.

Irving m’appelle plusieurs fois pour ne pas rater mon arrivée ce qui m’oblige à marcher mais c’est tellement sympa que je discute volontiers avec lui. J’arrive à La Floria, petit chalet-restaurant où de nombreux touristes sont attablés. Le tracé passe carrément au milieu de la terrasse. J’hésite un instant puis on me fait signe de passer entre les tables, étonnant ce passage. Reste 3,5km et je peux laisser dérouler.

Ca sent l'écurie

Et voilà Chamonix et son Mont Blanc nuageux
Les maisons de Chamonix arrivent, 300m dans une rue parallèle et on rejoint le centre ville par la rue piétonne. Je jette un œil sur ma montre, il est 11h50 incroyable descente. Mes 2 lièvres sont revenus sur moi et je les remercie de m’avoir débloquer 10km plus haut. Je leur laisse prendre quelques mètres d’avance pour qu'ils arrivent tous les 2.

Comme d’habitude il y a foule pour accueillir les arrivants et il faut se frayer un passage par endroits. A 50m de la ligne un coureur vient se joindre à moi, c’est Dawa Sherpa (2ème cette année) qui vient m’accompagner jusqu’à la ligne comme il l’a fait avec de nombreux autres. Je suis très flatté qu’il soit là à mes cotés, c’est vraiment un type super. L’arche est là et c’est la délivrance. Quelle émotion de passer une nouvelle fois cette ligne. Je suis bien, pas épuisé, je peux savourer pleinement cette arrivée.

Quelle arrivée !
Résultat officiel : 41h23mn26s - 695ème


Je prends quelques minutes pour retrouver mes esprits dans l'aire d'arrivée puis je sors par le couloir entre les barrières où on me donne ma belle veste rouge de finisher.

Akuna avec sa veste finisher
Dans l'ensemble ma course s'est bien passée. Avec le peu d'entrainement en montagne pour faire du dénivelé long je pense qu'il m'est difficile de passer sous les 40h. Jusqu'à Champex (km123) j'avais une légère avance sur mes temps de 2007, je suis mieux passé dans la section suivante Bovines-Trient mais j'ai eu ensuite un gros coup de mou jusqu'à Vallorcine. Le nouveau final ajoute au moins 1h par rapport à 2007. Malgré mes 30mn de plus que l'an dernier je suis classé 695ème soit 177 places de mieux qu'en 2007, le parcours 2008 était donc plus exigeant. Je suis satisfait de ma course, j'arrive en bon état et je n'ai connu aucun pépin physique.
Aprés course :

Sur la place je retrouve de nombreux potes qui ont fini devant moi ou qui ont arrêtés. J’appelle la famille pour leur dire que je suis arrivé en bon état. Du coup je reste bien 30mn à tourner debout au milieu de la foule. Je décide enfin d’aller m’asseoir sur le bord de la fontaine et d’y tremper mes pieds dans l’eau fraîche, ça fait du bien. L’hôtel est sur la place ce qui me permet d’aller prendre une douche et de me changer.

Je reviens sur la place pour accueillir ceux qui arrivent pendant que la remise des prix par catégorie commence. Puis on se retrouve une dizaine d’UFO pour aller manger en terrasse au bord du parcours d’arrivée afin de ne rater personne. En mangeant on guette l’arrivée de Paulo et Isa qui sont sur la PTL et que j’ai croisé à Champex la nuit dernière. Grosse ovation et photos à leur passage.

la remise des prix vue de la chambre d'hotel

arrivée de Paulo et Isa
Vers 16h45 les derniers concurrents arrivent et montent sur le podium avec les vainqueurs de l’épreuve, c’est la tradition. Cette année le podium a pris un coup de jeune, ça fait du bien à la discipline. Le vainqueur est un jeune espagnol de 20ans, Kilian JORNET, champion de ski-alpinisme, vainqueur de la Pierra-Menta 2008, qui boucle en 20h56mn59s record de l’épreuve. On ne présente plus le second, Dawa SHERPA vainqueur de la 1ère édition, qui arrive 1h derrière l’espagnol, suivi 30mn après de Julien CHORIER vainqueur de la CCC 2007.
La fête se termine, la place du Triangle de l’Amitié se vide doucement. On se retrouve une quinzaine d’UFO pour boire une bière en terrasse. Le week-end a été fantastique et inoubliable. Une page se tourne et une nouvelle saison va commencer.
Le site de la course : UTMB