dimanche 7 septembre 2014

Tor des Geants - 330km - 24000mD+

Passer sous l’arche arrivée du Tor des Geants au matin du 6ème jour de course est une grande émotion.


Quand plusieurs mois avant le départ, on décide de s’inscrire pour la 1ère fois sur le Tor des Geants on part dans l’inconnu mais on sait que l’on va vivre une aventure. 330km non stop en montagne 24000mD+ majoritairement au-dessus de 2000m et 2 passages à plus de 3000m dont le col Loson à 3300m. Et pour boucler tout ça vous avez 150h soit un peu plus de 6 jours et 6 nuits.
Pour un gars qui habite toute l’année à 30m d’altitude c’est un gros morceau. Je ne suis pas un novice ça fait plus de 10 ans que je fais des ultratrails en montagne mais je n’ai pas le terrain d’entrainement adéquat. Ma préparation a été des plus succinctes, l’Ultraraid28 en janvier (pas de dénivelé), Ecotrail (pas dénivelé), Challenge Charles et Alice (5000mD+) et la Montagn’hard (110km-8800mD+ en 28h33) qui est ma seule vrai course de montagne en 2014. Le weekend du 15 aout j’ai fait 2 sorties en montagne de 7h, épicétou.
Pour parfaire cette préparation de fou je pars 2 semaines en Thaïlande avec un retour le mercredi précédent le départ de la course. Le Top quoi !
Mon pote Tony (finisher du TOR2010) sera mon compagnon de route, notre seul et unique objectif est d’être finisher. On va rester très prudent, ne pas se lâcher au début et essayer de rester ensemble jusqu’au bout.
Le vendredi soir on retrouve l’ami UFoot à la gare d’Austerlitz pour une descente sur Chamonix par le train de nuit. Petit dej au soleil en terrasse le samedi matin avec vue le Mont-Blanc et traversée du tunnel pour rejoindre Courmayeur camp de base du Tor des Geants. L’après midi contrôle du matériel, perception du dossard et du fameux sac jaune qui nous suivra à chaque base vie.
dossard et sac base vie
L’organisation réputée impeccable s’est ratée sur le contrôle du matériel avant course qui ne se faisait pas les années précédentes. Je ne sais pas si ce contrôle leur a été imposé mais on s’est tapé 3h d’attente debout pour passer. D’autant que vérifier le matériel la veille de la course ne sert à rien. Bref on récupère tout le barda et on rentre à l’hôtel pour préparer les sacs.
Dimanche matin à 10h sous le soleil les 780 partants sont lâchés pour un périple de plus 6 jours pour certains. Les favoris ont été présentés la veille il y a un beau plateau encore cette année avec une belle représentation française (Lecomte, Le Saux, Guillon, Trivel, Gabioud,…)
Oscar Perez vainqueur 2012
Antoine et Christophe qui feront 3e ensemble
Emilie future vainqueur féminine et 9e au scratch
Le parcours est composé de 7 secteurs avec une base vie entre chaque. Pour ce qui est du profil c’est simple, montée de 1000mD+ suivi d’une descente de 1000mD- est cela environ cela 25 fois pendant 330km, sympa non ? Cool
Mon départ est des plus chaotiques. Les 36 premières heures avec 6 cols entre 2800 et 3300m font mal. Impossible de m'alimenter correctement le 1er jour et incroyable incident mon pote Tony marche sur le bout de mon bâton dans la montée du 2e col et le casse en 2, résultat 15cm de moins. Sans bâton impossible pour moi de continuer. J’allonge au max le bâton cassé et je réduis l’autre pour les ramener à niveau. Je suis 10cm plus bas mais c’est mieux que rien. Je peux vous dire que je me suis posé beaucoup de question quand à la possibilité d'aller au bout à ce moment.
Et puis au fil des cols l'estomac accepte à nouveau la nourriture (surement l'acclimatation à l’altitude), l'utilisation des bâtons n’est pas trop pénalisante. La machine repart et le moral remonte.
Dans la descente d’un col nous rencontrons des concurrentes surprises. Nous traversons une zone de paturage cloturés par un fil électrique pour animaux. Pour sortir de la zone une pierre est posée sur le fil pour passer plus facilement. Mais la vache n’étant pas bête (Meuh!) Complice elle remarque que de nombreux bipèdes s’échappent par là. Doucement elle s’approche et elle enquille derrière un coureur, les autres suivent les unes derrière les autres comme des moutons. Sourire Et comme il n’y a qu’un sentier tous le monde se retrouve à cavaler ensemble. On se demandait jusqu’où elles iraient, en fait il y a une étable un peu plus bas, la fermière qui a monté un ravito sauvage pour notre passage nous informe que ce sont des génisses et qu’il va falloir qu’elle les fasse remonter au parc. Bon courage. Coquin
Nous sommes à la 1ère base vie de Valgrisenche vers 23h, la BH de sortie est à 7h du matin pas de stress. A chaque base vie le rituel sera le même, le but étant de faire une bonne coupure, de manger, de se changer avec éventuellement une douche. Cela nous prend environ 1h à 1h15. Ensuite se pose la question de dormir. Le besoin ne se fait pas sentir à ce stade de la course mais nous décidons de dormir 50mn. La gestion du sommeil est une des clés du Tor, même les 1er qui bouclent en 72/75h sont obligés de dormir un peu. Nous ferons des poses de 1h ou 2h en fonction de la fatigue pour un total d'environ 15h de sommeil sur l'ensemble de la course. Pour nous qui sommes partis pour 6 jours de course nous devons dormir dès que le besoin se fait sentir, dès que l’on commence à s’endormir en courant. Il est surprenant de voir comment le corps peut repartir pour 15 ou 20h de progression après une pose d’1h. Au cours de la 5e nuit nous avons fait l’erreur de ne pas dormir à la base vie de Valtournenche et de vouloir pousser un peu plus loin. La sanction a été immédiate. Enorme coup de bambou dans la montée suivante, obligé de s’arrêter au ravito suivant qui n’a qu’une tente igloo posée sur une palette pour nous accueillir. Je peux vous dire que je n’oublierai jamais cette 1h passée enroulé dans la couverture de survie allongé sur la palette. Malgré ces conditions nous avons pu repartir pour plusieurs heures. A l’inverse certains refuges offrent des conditions 5 étoiles pour se reposer, petites chambres avec 4 lits douillets, couettes et même douches parfois. Mais là il faut impérativement se faire réveiller au bout d’1h sinon on y passe volontiers le weekend. A tous les ravitos il y a possibilité de dormir et nous avons toujours trouvé des places disponibles.
Une fois à l'abri des BH (8/10h d'avance pour nous) nous n'avons pas cherché à augmenter cette avance. Le 4e jour on a même rêvé arriver le vendredi en fin de journée mais la nuit suivante nous a vite rappelé à l'ordre. Et comme on souhaitait absolument arriver de jour nous avons gardé le même rythme. Oui car pour profiter pleinement de la joie de passer la ligne d’arrivée il faut arriver de jour avec l'ambiance qui va avec. L’accueil sur la ligne est exceptionnel quand il y a du monde.
Coté météo nous avons été gâté, c’est un paramètre important de la course. Sur le Tor on est quasiment toujours en haute montagne les conditions de progression peuvent rapidement devenir difficile en cas de mauvais temps. Nous avons eu grand beau pendant 6 jours et 6 nuits et des températures très supportables la nuit en altitude. Juste une 1/2 journée de pluie, nous étions à Donnas la partie la moins sympa du parcours donc autant qu'il pleuve là comme ça c'était vraiment moche. Mécontent Pour le reste les paysages sont superbes, le Val d'Aoste est peu équipée en remontées mécaniques et on traverse des vallées magnifiques bordées par des sommets mythiques, Grand Paradis, Cervin, Mont Rose, ... L’arrivée au col des Fontaines au petit matin nous a offert un lever de soleil féerique sur le Cervin et la vallée de Valtournenche. Nous étions en période de pleine lune, du coup même la nuit nous avions des paysages exceptionnels, la dernière nuit en montant sur le col Malatra on a coupé les frontales pendant un moment pour apprécier.
col de l'Arp le 1er
en descendant sur la Thuile
Full moon au col

Le Crevin dans le nuage
col des Fontaines
Nous avions décidé de partir à 2 avec Tony et nous sommes allés au bout ensemble. On se connait depuis longtemps on a couru pas mal d'ultra ensemble et nous avons eu la chance de ne pas avoir de problèmes pénalisants pendant la course. Du coup la progression à 2 pendant 6 jours s'est faite sans problème. Nous avons fait des bouts de chemin avec d’autres coureurs pendant parfois 1 ou 2 jours et nous avons croisé tout au long du parcours un peu toujours les mêmes au gré des poses de chacun. L’ambiance est très chaleureuse sur la course.
Coté matériel il faut se tenir à la liste obligatoire. Il faut avoir sur soi ou dans le sac la tenue légère et la chaude car le changement ne se fait pas toujours à la base vie et les températures varient vites d'une vallée à l'autre. Pour les chaussures j’avais 2 paires identiques dont une dans le sac jaune que je changeais à chaque base vie. Je n’ai pas eu de problèmes d’ampoules mais la durée de la course met à mal les pieds. Il faut les « Noker » régulièrement surtout pour les descentes qui deviennent interminables au fil des jours. Dans le sac jaune j’avais de quoi me changer, me laver, une paire de tong et un vêtement chaud pour les bases vie, c’est bon d’aérer les pieds un moment.
Nous n’avions pas d’assistance. Ce sujet devient sensible. Il est clair que ce n’est pas la même course avec ou sans assistance. Et certains sortent la grosse armada. Ce n’est pas la même chose quand vous arrivez à la base vie et que vous n’avez qu’à poser le cul sur une chaise, on vous apporte à manger, on vous change, on vous soigne, vous allez dormir dans le camping car au calme, etc… Je ne cherche pas à minimiser la performance de ceux qui ont une aide mais encore une fois ils ne font pas la même course que nous. Le problème est qu’il y a maintenant de l’abus et pas que sur le Tor. Partout où c’est accessible en voiture les assistances sont là. Le règlement autorise cela sur les bases vie mais on en croise sur tout le parcours et certains coureurs n’hésitent pas à faire un bout en voiture.
Cette année l’organisation du Tor a mis en place un plan Com important pour faire connaitre la vallée d’Aoste. Des cartes Press ont été distribuées et on a croisé sur le parcours quelques « vrais » reporters. Malheureusement nombres d’entre eux n’étaient là que pour aider leurs coureurs sur le parcours. Une anecdote vécue parmi d’autres. Nous arrivons au sommet d'un col en compagnie de 3 coureurs italiens, à contre sens arrivent 2 nanas avec carte de Press. Ca discute 3mn puis une des nanas ouvre son sac, en sort une paire de chaussures de rechange pour un des 3 coureurs italiens. Ils ne se sont pas cachés c’est incroyable c’est un cas de disqualification mais il y a tellement de coureurs qui le font que personne ne dit rien. Cependant le dieu du trail veillait ce jour là car après être parti comme une balle à la descente on a retrouvé le coureur allongé par terre avec un claquage à la cuisse, il abandonnera. Je l’aurais bien achevé d’un coup de bâton celui-là. L’organisation du Tor et toutes les autres vont devoir se pencher sur ce problème qui n’est pas simple à gérer.
Revenons sur notre course, nous arrivons à la dernière base vie d’Ollomont le vendredi matin vers 10h avec toujours environ 8h d’avance sur la BH, ça commence à sentir bon. Reste le col Champillon (1300mD+) puis la longue traversée de 10km jusqu’à Rhemes-en-Bosses et le dernier monstre, le col Malatra qui culmine à 2936m et qu’il vaut mieux passer dans de bonnes conditions car le final est à la limite de l’escalade, il faut utiliser les mains. Ensuite un grand schuss de 15km via Bonatti et Bertone pour ralier l’arrivée.
col Champillon à venir
passage au col Champillon
Le col Champillon est passé dans l’aprés midi toujours sous le soleil. Au pied du col un petit ravito, Ponteille Desot. On a mangé ici de la charcutaille maison à faire pleurer Justin Bridou on nous a même proposé du génépi mais on a pas osé, un régal, hélas on ne peut pas s’attarder on a un truc à finir.
Les pieds commencent à souffrir sérieusement chaque appui est douloureux. La longue traversée jusqu’à Rhemes est interminable on y arrive vers 19h. Nous sommes largement dans les temps pour une arrivée au petit matin on va assurer le final. 1h de sieste à Rhemes puis on attaque la nuit en montant vers le nouveau refuge de Frasatti au pied de Malatra. On retrouve notre ami Eric avec qui nous avions passé 2 jours avant Donnas il est accompagné de Fred. La pleine lune et les températures clémentes nous permettent une montée dans de bonnes conditions. La disparition du ravito de Tsa Merdeux met un peu le doute dans notre progression mais nous apercevons les lumières du refuge au-dessus. Pour s’occuper pendant l’ascension chacun sort son répertoire de blagues pourries, on s’est bien marré pendant cette montée. Au refuge on décide de dormir à nouveau 1h avant de passer le col Malatra d’autant que le vent souffle un peu. Au redémarrage plus un pet de vent, conditions optimales. Le final du col est assez aérien, le sol est glissant et il fait nuit, j’avoue avoir eu un petit stress sur ce passage. Nous voilà tous les 4 au sommet de Malatra dernier col du Tor à 3h30 du matin.
Les 4 zozos au col Malatra 2936m
Ce n’est pas fini. Le refuge Bonatti est à 10km et la descente est longue. Nos compagnons souffrent des pieds nous devons faire plusieurs poses dans la descente. Notre timing nous le permet largement, je le répète nous ne voulons pas arriver de nuit.
Samedi matin 5h30 nous sommes au refuge Bonatti, on prend le temps de manger puis on repart avec Tony, nos 2 compagnons décident de prolonger un peu la pose. Longue traversée en balcon jusqu’au refuge Bertone où nous sommes gratifiés d’un superbe lever de soleil sur le Mont-Blanc. 8h20 nous sommes à Bertone et on aperçoit en contre bas Courmayeur. Depuis que le jour est levé nous croisons de nombreux randonneurs et autres traileurs à l’entrainement qui ont tous un mot d’encouragement ou de félicitations pour nous.
lever de soleil sur le Mont-Blanc
refuge Bertone, arrivée dans 5km
Courmayeur est en vue
On ne s’emballe pas pour les 5 derniers km de descente ce serait con de se faire une entorse si près du but après 6 jours de course. Nous entrons dans Courmayeur à 9h20, on se rhabille, on se coiffe pour être beaux et sur les 2 derniers km nous courons un peu pour passer un coureur qui marche et nous caller cote à cote pour le final sur le long tapis rouge. Quelle émotion de passer cette ligne d'arrivée, j’avais les yeux humides.
143h33 pour boucler et une 340e avec mon pote Tony, heureux. Interview d’arrivée, photographes, tout se bouscule. Mirko un italien croisait maintes fois sur le parcours arrive dernière nous, on remonte tous les 3 sur le podium d’arrivée.
Ce fut une longue et belle aventure qui s’est globalement bien passée, pas de pépins juste la fatigue due à l’ampleur de la course. 20mn après notre arrivée une voiture de l’organisation nous amène au centre sportif où nous attendent notre sac, les douches et les éventuels soins.
L’organisation de la course est parfaite, les bénévoles aux petits soins, aucune fausse note sur tout le parcours, aucun problème de balisage sur les 330km même quand les vaches mangent quelques fanions. Les ravitos sont bien fournis avec parfois des spécialités locales qui sont un bonheur à déguster.
Et pour que la fête soit totale, prévoyez de rester le dimanche pour la cérémonie de remise des prix pour vivre l'aventure jusqu'au bout. Tous les finishers passent sur le podium avant de recevoir la veste finisher et faire la photo de groupe.
2 géants du Tor
Les 444 géants 2014
Toutes mes photos prises pendant notre course.

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